Les Histoires Atroces du C.A.K.E.

Littérature & Mauvais esprit

 

Sans se prétendre critique littéraire, je vais tenter ici de vous alerter sur des bons livres que l'on trouve en vente libre (si si, y en a : ne soyons pas défaitiste plus que nécessaire) avec extraits à l'appui, histoire de juger sur pièces. Aucune exclusive ni dans les nationalités des auteurs, ni dans les thèmes, ni dans les genres, ni dans les éditeurs : Pouy y côtoie Capote et Martinet sans aucun problème… Le seul critère : je ne parle que des livres que j'ai aimés en espérant que vous, esthètes lecteurs du blog du C.A.K.E., vous puissiez y prendre votre pied.   

                             

 

           

            # Je gagne toujours à la fin de Tristan-Edern Vaquette (Au Diable Vauvert)

Allez directos chez Marianne au Pandémonium lire sa critique bien vue du premier bouquin de Tristan Edern Vaquette :

         http://lepandemoniumlitteraire.blogspot.com/2010/10/je-gagne-toujours-la-fin-de-tristan.html

 

             # « Le Nazi et le Barbier » d'Edgar Hilsenrath (Attila)

            Attention, âmes sensibles s'abstenir : on trouve dans ces 500 pages un nazi se faisant passer pour un juif et épousant la cause sioniste, un pédophile très bien membré s'en prenant à un nourrisson eu encore une femme à jambe de bois violée par 59 russes… Mais à part ça, c'est plutôt drôle. On a envie de lire du même auteur « Fuck America ».

            Extraits :

 

            "Cul aryen, punaise ne craint".

 

            "C'est vrai que j'avais l'air d'un Juif.(...)Je devais donc en rajouter, tuer mieux que les autres. Pour leur montrer que je n'en étais pas un. Je veux dire, un Juif. Tu piges? (...) Mais tu peux me croire, Itzig. J'en n'étais pas antisémite. Je ne l'ai jamais été. J'ai suivi le mouvement, c'est tout."

                       

             "Max Schulz ! S'il y a une seconde vie pour toi, il faudrait que ce soit la vie d'un Juif! Après tout, cette guerre, c'est nous qui l'avons perdue. Et les Juifs qui l'ont gagnée. Et moi, Max Schulz, j'ai toujours été un idéaliste. (...) Un idéaliste qui sait changer son fusil d'épaule".

 

             "Madame Holle avait deux jambes. L'une aryenne, l'autre non. La non aryenne était en bois. Elle l'attachait le jour et la détachait tard le soir avant d'aller se coucher."

 

            # « Le gang des mégères inapprivoisées ou comment kidnapper un mari quand on n'a rien pour plaire » de Tom SHARPE (Belfond)

Pauvre Esmond Burnes : lui qui n'avait déjà pas eu une enfance facile entre une mère intoxiquée aux romans à l'eau de rose et un père tout ce qu'il y a de plus banquier (entendez psychorigide), le voilà qui tombe entre les griffes de sa tante Belinda, digne héritière d'une gynécée démoniaque et un brin loufdingue...les Gropes. Sexe (dans un état semi-comateux et où les hommes ne sont pas vraiment consentants),  meurtres (ou suspicion de meurtres) et agriculture. Un petit roman léger et drôle qui donne envie de se plonger dans la bibliographie de cet auteur.            L'auteur est un vieil anglais (né en 1928) qui se dore désormais la pilule en Catalogne, il a reçu le prix de l'humour noir en 1986 et est considéré comme un des écrivains anglais les plus drôles et caustiques. 

 

            Extrait :

            « Par le passé, plusieurs maris se montrèrent si stériles ou si impuissants que des mesures extrêmes furent prises : kidnapper des étrangers égarés ou payer des saillies à des voyageurs de commerce imprévoyants et à la tête d'une famille nombreuse. Plus d'un voyageur traversant Mosedale avait été sauvagement agressé par une Madame Grope déguisée en homme et contraint de commettre un acte qu'il pouvait considérer comme contre nature, avant d'être abruti de gin et d'opium, puis abandonné inconscient dans un fossé à des kilomètres de Grope Hall ».

 

            Plus d'infos sur ses autres livres qui ont l'air tous hilarants :

http://www.geocities.com/Heartland/Bluffs/7745/sharpe6.htm

           

# « Pourquoi j'ai mangé mon père » de Roy Lewis (Actes Sud)

Un petit livre jubilatoire qui réconcilie tous les cancres avec l'histoire, et plus précisément la préhistoire. Un livre drôle écrit par un ethnologue, c'est possible ? Oui, la preuve : l'auteur est un anthropologue anglais et le découvreur et premier fan français du livre n'est autre que Théodore Monod qui a tout fait pour qu'il soit traduit et publié en France. L'histoire d'une famille lambda à la fin du pléistocène racontée par un des fils : l'oncle Vania, en vieux réac ne cesse de proclamer « back to the trees » et s'oppose à son fils qui voit dans l'invention et la maîtrise du feu une étape majeure de l'évolution de l'espèce. Et comme il faut toujours « tuer le père » pour avancer, les fils finiront par manger leur vieux père après avoir suivi à la lettre ses enseignements (en particulier il eut du mal à les convaincre de prendre une femelle hors de la famille).   

 

Extraits :

« Edouard, je lis en toi comme dans... dans un... eh bien, je sais exactement ce que tu as dans le crâne »

 

« Sans un minimum de loisir, pas de travail créateur, par conséquent pas de culture ni de civilisation »

 

            « A présent, l'amour est devenu une sorte de routine, une marchandise de seconde main, même si les jeunes y trouvent encore une humble joie quand ils le découvrent au sommet d'une montagne, au cœur de la forêt ou sur le bord d'un lac, il a pris sa place nécessaire dans le processus évolutionnaire.

- Or, maintenant, qu'en est-il de toi ?
- Eh bien, qu'en est-il de moi ? dit père.
- Coupé ! aboya oncle Vania. Séparé ! Exilé !
- Coupé de quoi ?

- De la nature, de tes racines, de tout vrai sentiment d'appartenance, Edouard ! De l'Eden !
- Et toi non ? demanda père.
- Non. Moi, je persiste à n'être qu'un simple enfant, et innocent, de la nature. Ta façon d'agir passée, présente et future, je la désapprouve de tout mon être. J'ai fait mon choix. Je reste singe. »

 

           # « Céréales killer » de San Antonio (Fleuve noir)

Le dernier San Antonio est bizarrement le premier que je lis et je ne suis pas déçue du voyage : y a comme qui dirait un genre de cousinage avec ce que fait le C.A.K.E. On trouve même un commissaire Royko (ici Roykeau) comme dans la fameuse série humoristico-policière « Garrec et Palardoux ».

Qui a tué Mélanie Godemiche, riche héritière dévergondée lors d'une rave-party dans les plaines de la Beauce ? Telle est l'intrigue haletante qui nous mène d'un bout à l'autre du livre. Pour être honnête, Dard n'est pas le roi de l'intrigue, mais il excelle dans les dialogues pas piqués des hannetons, dans la lignée d'un Audiard en un peu plus coquinou quand même. On se marre au moins une fois par page dans ce roman aux personnages hauts en couleur.        

 

Extrait :

¾ L'Antoine, il n'en mène pas plus large qu'une bonne sœur tutsi voyant débouler un régiment de Hutus, bites et machettes en main.

 

           # « Sévère » de Régis Jauffret (Seuil)

Oubliez tout ce que vous savez sur l'histoire du banquier suisse retrouvé mort dans sa combinaison de latex, de sa maîtresse prostituée qui l'aurait tué et de la mallette de fric introuvable. Plongez dans ce court livre qui parle d'amour et de mort, de relation S.M. où l'enjeu n'est pas le sexe mais le pouvoir. Après « Clémence Picot », peut-être le meilleur Jauffret, qui nous fait côtoyer à travers ce couple toxique les recoins les plus sombres de l'âme humaine.

Extrait :

« Le temps nettoie la mémoire. Un tableau dont le vernis avait bruni. Un décapage sans état d'âme. La vérité apparaît alors aussi nette qu'une peinture de Jérôme Bosch. »

 

# « Choir » d'Eric Chevillard (Minuit)

Eric, le plus farfelu des écrivains de notre rance France, délaisse pour une fois sa tendance à la  digression pour une histoire, une vraie, presque une saga islandaise. En effet, dans ce gros livre (pour un livre de Chevillard s'entend), on découvre par la voix d'un de ses habitants la cosmogonie des habitants peu chanceux de l'île de Choir, attendant le retour d'Ilinuk, figure mythique pour ne pas dire totémique. Le peuple de Choir est revenu de tout et méchant comme une teigne : ils élèvent leur enfants à la dure (et c'est peu dire) et rechignent à l'amour sauf en cas de nécessité absolue ou de cuite carabinée. « Choir » c'est un peu « Lost »  au pays des esquimaux, le tout à la sauce beckettienne et avec une pincée de Swift.

Extraits :

« C'est pourquoi nous confions aux vieillards l'éducation de notre progéniture. Les enfants profitent de leur expérience, de leur exemple et, recevant ces leçons d'une vie entière, ils gagnent un temps précieux et se racornissent dès le jeune âge. Nous ne stimulons pas en revanche l'apprentissage de la marche chez ces petits êtres qui n'ont certes pas besoin de jambes pour entretenir et cirer nos souliers. »

            « Il ne faut pas moins de douze enfants pour abattre le travail d'un seul bœuf, est-ce assez dire la lenteur et l'impéritie de ces petits diables ? Pour leur peine, nous ne leur gardons pas une côtelette de celui qu'ils remplacent si désavantageusement, ni un jarret ni une joue, nous mangeons tout. Ils se battront pour l'extrémité touffue de sa queue. »     

 

            # De l'inconvénient de vivre avec un python dans le grand Paris : « Gros-Câlin » d'Emile Ajar.

« Gros-Câlin » est un des quatre romans publiés par Romain Gary sous le nom d'Emile Ajar dans les années 70. Au-delà de l'amusante supercherie qui lui permit d'obtenir deux fois le Goncourt et de mystifier les journalistes, il faut reconnaître la valeur de ces romans, et en premier lieu de « Gros-Câlin ». Ce roman raconte l'histoire de Cousin, un homme de 37 ans, célibataire et statisticien (facteur aggravant il est vrai) qui vit en plein Paris avec son python prénommé Gros-câlin. Dans son univers, figurent aussi des objets auxquels il parle, notamment les portraits de Jean Moulin et Pierre Brossolette accrochés au mur, un voisin militant politique acariâtre, une belle collègue en mini-jupe à qui il n'ose pas parler tout en rêvant de l'épouser, les « bonnes putes » évoquées avec beaucoup de tendresse, une femme plus très jeune se trimballant son perroquet dans un panier, un ventriloque recyclé dans la thérapie de groupe, etc.  

Cet excellent roman se lit d'une traite, le sourire aux lèvres car il est drôle, truculent, plein d'inventions langagières, tout en ayant un fond social (c'est de la solitude dans le Paris des années 70 dont il est question ici). Le style faussement relâché avec de nombreuses trouvailles littéraires (expression tronquée notamment) ajoute au plaisir de lecture. Une superbe entrée en matière dans ma découverte de l'œuvre de Gary ; malheureusement, nous n'avons pu visionner aucune image du film adapté du livre par Jean-Pierre Rawson avec Jean Carmet dans le rôle de Cousin.

 

Extrait :

« Je suis resté de longues heures avec la montre dans le creux de ma main. C'était quelque chose d'humain qui ne devait rien aux lois de la nature et qui était fait pour compter dessus. Parfois je me levais et je courais me laver le cul. Le matin, j'ai avalé la dernière souris pour la bonne volonté et l'environnement. Dans un jour ou deux, je vais oublier de remonter Francine, je vais faire exprès pour qu'elle ait besoin de moi. J'ai appelé la montre Francine à cause de personne de ce nom. »

 

# Y.B. et Abner ASSOUN, Bugsy Pinsky contre le complot juif (Léo Scheer)

Que dire de ce  petit livre extrêmement potache ? Des membres du C.A.K.E. auraient-ils servi de nègres à ce duo judéo-arabe ? Non, mais on pourrait parfois le croire tant on est ici dans la blagounette de mauvais goût, la grivoiserie, les attaques ad nominem, et j'en passe… Ca parle de quoi ? Très simple : Bugsy Pinsky, encore mineur entre en prison, jeune juif mal dans sa peau (un parent séfarade, l'autre ashkénaze, c'est déjà un couple mixte ?), il ne tarde pas à suivre le sens du vent des cours de promenade et à se convertir à l'islam. Il en ressort donc treize ans plus tard en musulman pratiquant un brin intégriste sous la nouvelle identité de Napoléon Benyossef. S'ensuit quelques aventures rocambolesques avec son équipe de bras cassés (les Fines Lames de l'Islam) et la douce Fanny (qui passe en clin d'œil de blonde bimbo qui fait chavirer les hommes à pieuse musulmane voilée). Etrange, cette impression que finalement les auteurs n'ont pas fait de mal à grand monde avec ce livre qui pourtant en promettait sur la couverture (un peu comme Bugsy qui promet à sa future femme de tenir une heure et qui bâcle l'affaire en sept secondes). On rit pourtant de temps en temps, on sourit souvent mais on regrette que les auteurs aient surchargé le texte (trop d'humour tue l'humour ?) et que leur texte vire parfois un peu trop au cours d'histoire (certes au quatrième degrés mais quand même). Bref quand même un bon moment mais pas le livre du siècle.    

Extraits :

« Vint le jour fatal où Fanny prit pour époux un haut fonctionnaire palestinien blindé émargeant à l'U.N.E.S.C.O. Elle l'avait rencontré à un bal des Jeunes Européens Identitaires, à l'occasion d'un concours où il avait remporté le premier prix dans la catégorie sosie de Mike Brant. »

« Moralité : il est grand temps de réévaluer avec justesse et justice l'apport décisif des Bee Gees à la culture populaire  planétaire de la seconde moitié du XXème siècle »

 

# Des lectures sur le site de la BNF

Vous voulez découvrir ou redécouvrir quelques unes des plus belles pages de la littérature mondiale et vous avez la flemme d'ouvrir un livre, de l'acheter ou d'aller à la bibilo du coin ? Pas de problème : en un clic, vous entendrez Fictions  de Borges, Voyage au bout de la nuit  de Céline ou Notes de chevet de Sei Shônagon, lus dans divers lieux parisiens mais aussi à Lille, Rome ou au Québec.

http://expositions.bnf.fr/lecture/videos/index.htm

 

# Une éditrice qui en a…

Quel est le point commun entre une romancière américaine qui fut à la fois l'assistante d'Herbert Marcuse et strip-teaseuse à Times Square (Kathy Acker) et un auteur japonais sado-maso (Shozo Numa) ? Les éditions Désordres, aujourd'hui rebaptisées « les éditions Laurence Viallet » du nom de sa fondatrice. Dans le catalogue, ces deux étoiles mauvais genre brillent d'un éclat tout particulier. En effet, chez Katy Acker, les casiers des lycéens sentent plus le sang et le stupre  que le teen spirit (Sang et stupre au lycée). Quant à Shozo Numa, il développe un univers tout à fait original et stupéfiant dans les trois volumes de son Yapou bétail humain, à la fois exploration des fantasmes sado-masochistes et roman d'anticipation un rien flippant… Bref, allez-faire un tour sur le site Internet et éventuellement commandez les livres de cette éditrice chez votre libraire, car il est très possible que vous ne les trouviez pas en librairie, noyées qu'elles sont (malgré elles) sous les romans nuls d'Albin Michel ou de Grasset.

 http://www.editions-laurence-viallet.com/index_archives.php

 

# Piotrus de Leo Lipsky (L'Arbre vengeur)

            Quand un roman superbement absurde, politiquement incorrect et un rien grotesque est écrit par un écrivain  maudit suisso-polono-israëlien qui plus est hémiplégique, on s'emballe un maximum. D'autant que l'homme n'oublie pas de mettre une pincée de poésie dans sa description des quartiers de Tel-Aviv… Le pitch est simple : un homme sans-le-sou accepte d'être acheté par une femme, Madame Zinn, pour occuper les toilettes de l'immeuble presque à temps plein. Il y a certes du Gombrowicz et du Beckett dans Leo Lipsky, mais pas seulement : il a un style bien à lui, aussi efficace dans les dialogues que dans les descriptions, dans le tragique que dans le comique…un grand petit livre (à peine 167 pages, en petit format et agrémenté d'illustrations pas piquées des vers de Joko, sacré animal lui-même…)

Extraits : 

« Lorsque enfin, tard dans la soirée, Madame Zinn me relâcha, je lui vouais une gratitude à mes propres yeux terribles. Je rampais jusqu'à la chambre et entrepris de lécher le rebord de sa robe, je le léchais, et lui trouvais bon goût : mis à bouillir dans une marmite, on en aurait eu un bouillon bien gras. Eddy était sorti. Elle n'allumait presque jamais la lampe. Alla ouvrir son armoire, y choisit un collier, un peu juste à vrai dire, me l'attacha au cou et je me mis à aboyer avec joie.

¾ Cii, dit Madame Zinn.

Elle ajusta son chapeau, sa voilette, se mit du rouge à lèvres et alors seulement, elle annonça :

¾ On va faire un tour.

Le matin, dès que le soleil, épouvantable, était là, j'escaladais de nouveau les parois. J'avais appris à plonger ma tête dans l'eau de la cuvette. Lorsque je l'en sortais, tout tournait autour de moi. »

 

Un docteur parle au héros :

« Un exemple, tenez, une jeune femme sympathique, en bonne santé, jolie même (moi, remarquez, ça m'est tout à fait égal), viens me consulter. Elle a un cancer ¾ de quoi, peu importe. Moi, je lui dis : « en ce bas monde, ma chère madame, il ne vous reste plus que les glaces à la vanille et un jeune homme plein de tempérament. Vous avez de cinq à huit mois pour passer de vie à trépas. ¾ Mais docteur, me répond-elle, vous n'y pensez pas ! J'ai un mari et deux enfants…» Comme si ça avait un rapport quelconque. Alors moi, je lui dis : « Baise, baise, mignonne, tant qu'il n'est pas trop tard… » Figurez-vous que deux jours après, elle se pend. Avec un si bel avenir. Mais que diable veulent donc les gens, dites ? »

 

Le site de Joko (je vous conseille en particulier « Eliane » de Joko et « Les nouvelles pratiques sexuelles » de Muzo) :

http://smartcucumber.com/index.html

 

# Le blog de Chevillard : passez de l'autre côté de la loutre

Parmi les quelques blogs qui comptent sur le net (je parle de la qualité bien sûr pas du nombre de visites, sans ça, Mickaël Vendetta serait supérieur à Stalker), celui d'Eric Chevillard est en bonne place. Fan invétéré de Chevillard depuis plusieurs années, j'attends impatiemment chacun de ses romans et je vous dirai d'ailleurs bientôt ce que vaut selon moi son Choir. Le blog qu'il tient oscille entre humour et gravité en fonction des aléas de la vie mais en respectant une règle de concision (moins de dix lignes par jour, souvent deux ou trois phrases indépendantes) plutôt bienvenue dans un monde où n'importe qui se croit autorisé à nous faire des tartines et des tartines pour finalement tourner autour de son nombril ou s'ériger en pourfendeur du bon goût. C'est du Chevillard dans le texte : l'absurde le dispute au politiquement incorrect et à la poésie, avec une pointe de cruauté pour relever la sauce. Est-il utile de préciser qu'avec Chevillard on est bien plus dans le recueil d'aphorismes que dans un banal journal intime, déversoir d'ego en mal de reconnaissance, même si l'auteur a malicieusement (perfidement ?) intitulé le livre issu du blog « L'auto-fictif » et que la suite se nomme « L'autofictif voit une loutre », ce qui est déjà plus chevillardesque. Bref un blog qu'on ne saurait que trop vous conseiller de mettre dans vos favoris :  http://l-autofictif.over-blog.com/5-index.html

 

Extraits :

Lundi 1er février :

Entre les tables de la librairie presque déserte, errent pourtant quelques individus fort tristes d'allure et de mine qui parfois hantent aussi les cimetières, sanglés dans leurs gabardines. C'est que les lieux sont rares où nous pouvons attribuer à notre arrogante misanthropie d'esthètes dégoûtés la phobie sociale dont nous sommes affligés et l'ostracisme que nous vaut depuis l'enfance notre apparence miteuse d'inadaptés définitifs. Or, si tels sont les lecteurs, que sont les écrivains ? Littérature, mon amie, repaire ombreux du lâche, du dépressif, du frustré, refuge du solitaire et du mal aimé, du petit gros, de la grande maigre, de l'affreux, et si tu n'étais que cela ?

 

Samedi 30 janvier 2010 :

L'hypothèse du suicide est toujours écartée lorsqu'un géranium en pot tombe d'un balcon. Et pourtant, comme on les voit se tordre dans leurs jardinières, contournés, contrefaits, défleuris, exposés aux odeurs de cuisine et aux programmes de télévision en provenance de l'intérieur, conchiés par les chats et les pigeons, effeuillés par les vents – à leur place pareillement, qui ne sauterait ?

 

# Brûle en Enfer, Salinger !

J.D. Salinger vient de mourir à l'âge de 91 ans. Ah bon ? Il était pas déjà mort le type ? Dans un monde où le moindre écrivaillon encore étudiant en Lettres parade dans les Inrocks et squatte les soirées hype du tout Paris littéraire, c'est sûr qu'un écrivain qui se planque depuis 50 ans, écrit sans demander à être publié et ne va à la rencontre du public que sous la forme d'un personnage des Simpsons, c'est plutôt la grande classe. Ouais mais y a un mais. Si Salinger est connu et reconnu, c'est surtout pour L'attrape-cœur or pour l'avoir lu je n'ai pas été emballée : loin du chef-d'œuvre qu'on nous vend depuis des décennies, il m'a semblé être un petit roman mineur d'un écrivain franchement pas majeur. Soit je l'ai lu trop vieille et il faut avoir l'âge du personnage principal (Holden Caulfield qui a 16 ans) pour apprécier ce livre : dans ce cas ce n'est pas de la grande littérature mais un honnête livre de littérature jeunesse (il en faut aussi). Soit c'est la traduction que j'ai lu, celle d' Annie Saumon qui date, qui date même beaucoup…voir qui massacre le texte original. J'avoue que je ne suis pas allée voir la version américaine, d'autant que je ne suis pas certaine que mon niveau d'anglais soit suffisant pour évaluer une traduction et que je ne me suis pas procuré celle de Sébastien Japrisot. Surtout, ce que je reproche à Salinger c'est qu'il a ouvert la voie à toute une ribambelle de mauvais romans écrits avec les pieds sous prétexte que le héros/narrateur est adolescent, voir enfant et ce partout dans le monde (en France, en Afrique, dans les pays de l'Est et encore plus aux USA).  

En plus, avec la mort de Salinger, on entend reparler de Begbeider (qui avait fait un documentaire « L'attrape Salinger » dans lequel il partait à la recherche de Salinger il y a quelques années) dans tous les médias – un peu comme Anthony Kavanagh qui revient dans l'actu grâce à Haïti ­¾ et y en a marre de Begbeider.  

 

            # Les scandales littéraires de Claire Juilliard (Librio)

            La vie littéraire française a toujours a toujours été pimentée de scandales, accusations de plagiat, nègres, canulars et autres joyeusetés, et ce bien avant les gueguerres entre écrivaillonnes de chez P.O.L. C'est ce que nous raconte Claire Juilliard dans ce petit livre jubilatoire : entre l'autokidnapping de Jean Edern Hallier, les deux Goncourt remis à Gary grâce à la création de son double, l'accusation d'antisémitisme envers Marc-Edouard Nabe, Henry Miller accusé de pervertir la jeunesse et j'en passe… on plonge avec plaisir, à travers  de courts chapitres au ton léger, dans l'envers du décor du monde des lettres.

 

#  Pascal Brutal : « Plus fort que les plus forts » de Riad Sattouff récompensé au festival de la B.D. d'Angoulême

            Le jury du festival de B.D. a récompensé le troisième tome des aventures de Pascal, notre beauf préféré (Tome 1 : Pascal Brutal, La nouvelle virilité ;Tome 2 : Pascal Brutal, Le mâle dominant) : l'occasion ou jamais de plonger dans univers loufoque où la testostérone règne en maître... Pascal Brutal, le héros de la trilogie, évolue dans un futur proche, sous la présidence d'Alain Madelin, plus précisément la quatrième année de son troisième septennat

Mieux que Les Ch'tis : la région Pas-de-Calais est une région autonome livrée à elle-même depuis 15 ans. La Belgique est devenue une gynarchie extrême et brutale, instaurée par Aline d'Arbrant. La région Bretagne est également devenue autonome, et a pour capitale la ville de Rennes. Symbole de la virilité, il pratique régulièrement la musculation, roule à 300 km/h sur les autoroutes avec sa moto, porte une paire d'Adidas Torsion 1992, arbore fièrement sa gourmette en argent, et son bouc parfaitement bien taillé. Les mauvaise langues traitent Pascal de pédé sous prétexte qu'il pose pour un magazine gay ou a la larmichette facile. Il a vécu une partie de sa jeunesse à Rennes mais vit vraisemblablement, au moment de la narration, à Paname ou dans sa banlieue.

La mère de Pascal a tout de la mère idéale : divorcée, elle vit avec un certain Jean-Marc, ancienne teufeuse, elle est tombée enceinte de Pascal à la suite d'un rapport sexuel avec un punk à chien, dans un fossé (à côté Bernie c'est les Bisounours), elle garde en souvenir de folle jeunesse des cheveux roses, un piercing et un tatouage au bas du dos. Tyler : il fait partie avec Pascal du duo « Goûte mon flow », qui chante dans des soirées underground des reprises traduites en Français d'Eminem et 50 cent. Cindy : danseuse R'n'B et une des nombreuses conquêtes de Pascal mais elle lui préfère un rugbyman de la FFR avec lequel Pascal passera une nuit d'amour.  

Citations :

            « La France… Le futur… À travers les brumes impalpables des temps à venir, on ne distingue pas grand chose… Si… Un bruit mou : des baskets Torsion 1992 battent le bitume… Une étincelle fugace dans le brouillard : une gourmette en argent, avec Pascal gravé dessus… La gourmette de… PASCAL BRUTAL ! »( La nouvelle virilité, page 3)

« La virilité? C'est mon métier.» ( Plus fort que les plus forts, page 10)

«  Hey mais du calme, chuis allé dans le Pas-de-Calais, qu'est ce que tu veux qu'il m'arrive en Arabie!  »( Plus fort que les plus forts, page 28)

Ecoutez le tuning mix de Pascal Brutal sur : myspace.com/pascalbrutal

Et aussi son site officiel : http://www.riadsattouf.com/site.html

 

# Benjamin Fau : quand les critiques littéraires écrivent aussi mal, on a envie de jeter le livre avec l'eau sale du bain

Ca fait déjà un moment que je ronge mon frein contre Le Monde, enfin surtout contre le supplément livres du jeudi (mais en province on a un jour de retard et on le reçoit le lendemain). En effet, entre Josyane Savigneau qui confond critique littéraire et récit du « pitch » et Xavier Houssin qui ne quitte jamais  le registre de l'émotion, il est de moins en moins question de style, de narration, de construction, bref de littérature. Qu'est-ce qui fait qu'un livre est réussi ? Existe-t-il des critères objectifs permettant de trier le bon grain de l'ivraie ? Y a-t-il une échelle de valeurs sur laquelle situer les « bons livres » ? Pour ma part, il me semble évident que oui : il ne me viendrait pas à l'idée de mettre sur le même pied un chef-d'œuvre de la littérature qu'on lit émerveillé et dont on relit des passages, qui vous habite et fait partie de vous, vous fait voir la vie autrement (au hasard Mort à crédit de Céline, Les chants de Maldoror de Lautréamont ou Cent ans de solitude de Garcia Marquez) et un petit  roman « agréable » à lire pour se changer les idées en attendant son tour dans la salle d'attente du dentiste mais oublié aussitôt (La reine des lectrices de Benett par exemple).

Bref, c'est pas le genre de la maison de s'acharner sur des personnes mais là, je craque. Benjamin Fau vient d'écrire dans Le Monde du 28/01/2010 une critique sur le dernier roman de Denis Baldwin Beneich intitulé Le sérieux des nuages. Et alors, me direz-vous ? Où est le problème ? Il a aimé ou n'a pas aimé le bouquin, le goût et les couleurs, vous connaissez la suite… Non, je m'insurge : on n'écrit pas n'importe quoi et n'importe comment sur les livres, surtout quand on est critique littéraire rémunéré par un grand quotidien qui a pignon sur rue et dont l'avis fait autorité dans la république bananière des lettres (même si l'émission de Ruquier est plus prescriptrice en terme d'achats de livres que le supplément livre du Monde). Certes, le roman en question a l'air très mauvais si l'on considère l'extrait qui termine l'article de Benjamin Fau, mais ce n'est pas une raison : on peut parler brillamment d'un mauvais livre…on peut parler brillamment de tout, si l'on est brillant. Je ne reproche pas à son article le manque d'inspiration, je lui reproche son style exécrable allant parfois jusqu'à la faute de syntaxe ou l'utilisation de termes inappropriés (« aussi » à la place de « autant » par exemple), sa redondance insupportable, son style ampoulé au dernier degré, ses métaphores ridicules filées jusqu'à l'écœurement, j'en passe et des pires : cette critique est  interminable et illisible. 

            Pour vous en convaincre, lisez l'article par vous-mêmes :

http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/01/28/le-serieux-des-nuages-de-denis-baldwin-beneich_1297839_3260.html

 

# TOP 10 LIVRES 

En cette fin d'année, le C.A.K.E. se prend pour les Inrocks ou N.M.E. et vous livre son classement des meilleurs films, livres et disques de l'année 2009. Inutile de préciser que vous n'y trouverez ni le livre trop mal écrit de Marie N'Diaye, ni le torche-cul de Justine Lévy. On a voté à main levée (enfin pour ceux qui pouvait encore lever la main) et voici les résultats : 

1. Sara Stridsberg : La faculté des rêves

2. Colum Mac Cann : Et que le vaste monde poursuive sa course folle

3. Joyce Carol Oates : Fille noire, fille blanche

4. Joyce Carol Oates : Journal (presque aussi bien que celui de Virginia Woolf, c'est dire)

5. Chloé Delaume : Dans ma maison sous terre

6. Tom Robbins : Comme la grenouille sur son nénuphar 

7. Laurent Mauvignier: Des hommes (seul bouquin qu'on a lu sur la guerre en cette rentrée où il y en avait à ne plus savoir qu'en faire)

8. Véronique Ovaldé : Ce que je sais de Véra Candida

9. Martin Winkler : Le chœur des femmes

           10. Antonin Varenne : Fakirs

 

           # Parlons d'un chic type : Vincent Safrat

Une fois n'est pas coutume, le C.A.K.E., surtout connu pour ses dézingages en règle des acteurs du monde du livre, tient à tirer son chapeau à un type super : Vincent Safrat. Et pourquoi, me direz-vous ? Certes, parce que c'est Noël et qu'à Noël, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, mais pas que.

En effet, cet « éditeur social » est un amoureux des livres qui n'est pas tout à fait du sérail, autodidacte ayant arrêté ses études en terminale (qui a dit que seuls les khâgneux aimaient la lecture ? Certainement pas moi), a commencé par bosser dans l'édition artisanale avant de changer son fusil d'épaule. On le suit à 100% quand il déclare : « La librairie est un endroit pour les gens qui lisent. Pour faire découvrir la lecture aux gens, ce n'est pas là qu'il faut aller. »

Il a eu l'idée de récupérer des livres avant qu'ils aillent au pilon pour aller les vendre au porte à porte en banlieue, là où le livre brille le plus par son absence. Ensuite, il est passé à la vitesse supérieur et s'est mis à faire imprimer sa propre collection de livres de poche pour enfants, sachant que le coût d'impression d'un livre de poche se situe aux alentours de 30 centimes. Il vend donc maintenant des livres de poche à 0,75 euros et pas qu'un peu : 1,7 million d'exemplaires l'an dernier. Encore mieux : sa maison d 'édition « Lire c'est partir » emploie 7 salariés et tout le monde reçoit le même salaire (comme Libé à sa création par le philosophe à tête de crapaud à lunettes).   

On lui pardonnera même de s'être associer avec Alexandre Jardin tant l'initiative est belle et le catalogue intéressant. En plus, il a un chouette petit logo.

            A voir :

¾ l'article paru dans le Siné Hebdo du 23/12/2009

            ¾ son site : http://lirecestpartir.free.fr/

         



12/12/2009
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